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  2/2 Un radiotélescope et son coût budgétaire pèsent dans la balance

vendredi 21 septembre 2007, par domi

Voici la traduction de l’article du Washington Post mentionné dans le précédent article sur Arecibo.

par Rick Weiss - Equipe de rédaction du Washington Post

Dimanche 9 septembre 2007 ; Page A01

ARECIBO, Porto Rico — Dans les forêts verdoyantes de l’intérieur des terres chaudes et humides de Porto Rico, suspendu par des câbles en acier harnachés à des pylônes de 90 mètres, un réseau d’antenne se dresse au-dessus d’une parabole en aluminium de 300 mètres de diamètre et regarde fixement vers l’espace.

L’observatoire d’Arecibo, le radiotéléscope le plus grand et le plus sensible sur Terre, ressemble à un avant-poste secret construit par des extraterrestres. En fait, une de ses missions consiste à rechercher aux confins de la Galaxie des signes de vie intelligente — un objectif digne de la science fiction qui lui a permis de tenir le premier rôle dans le film "Contact" avec Jodie Foster et un petit rôle dans un James Bond.

Mais dans la communauté des astronomes, Arecibo est une icône de la science dure. Ses instruments ont permis de réaliser durant plusieurs décennies des découvertes sur la structure et l’évolution de l’univers. Son radar haute puissance a tracé les détails les plus fins de la surface et des entrailles des planètes voisines.

Et c’est le seul instrument de la planète capable de suivre des asteroïdes avec assez de précision pour définir si l’un d’entre eux pourrait percuter la Terre — un désastre qui pourrait causer des milliards de morts et qui selon les experts serait évitable avec un avertissement suffisamment précoce.

Cependant, pour quelques millions de dollars, le futur d’Arecibo semble sinistre.

La National Science Foundation, qui a longtemps financer la parabole, a annoncé à l’Université Cornell, l’établissement ayant la charge du radiotéléscope, qu’Arecibo devra fermer ses portes s’il ne peut pas trouver des financements externes à hauteur de la moitié de la réduction budgétaire s’élevant à 8 millions de dollars pour les trois années à venir — un ultimatum qui a plongé la communauté scientifique dans le plus profond découragement.

La compression budgétaire s’inscrit dans un plus vaste effort qui vise à dégager des fonds pour de nouvelles recherches en astronomie — des projets que même le personnel d’Arecibo en plein désarroi convient qu’ils doivent être lancés. Mais beaucoup d’astronomes affirment que si Arecibo succombe, la cause de la mort sera politique, et non pas suite à un manque de bons résultats scientifiques.

Ils notent que les Etats abritant la majeur partie des observatoires, tels que le Nouveau-Mexique et la Virginie Occidentale, ont pour sénateur, des personnalités célèbres pour leur influence sur les cordons de la bourse, et ayant déjà réussi à démultiplier des sommes qui au départ devaient leurs être retirer. En revanche, Porto Rico, un État libre associé aux États-Unis, ne compte aucun sénateur. Et son représentant dans la Chambre, l’agent politique Luis G. Fortuño (Républicain), ne détient aucune voix.

« Cela fait toute la différence, » explique Fortuño, indiquant que les récentes demandes effectuées par le directeur de l’observatoire pour obtenir une aide financière du gouvernement de Porto Rico lui ont parues paradoxales, étant donné les ennuis budgétaire de l’île. L’été dernier, le gouvernement a suspendu temporairement son action par manque de fonds. Le revenu moyen à Porto Rico est de moitié inférieur aux revenus de l’Etat américain le plus pauvre.

Des Astronomes venus de toute la planète se sont réunit cette semaine à Washington pour mettre en lumière qu’Arecibo est un lieu unique pour approfondir de nombreuses énigmes scientifiques, mais l’effort pourrait être "pas assez important et trop tardif" soupire Daniel Altschuler, un professeur de physique à l’université du Porto Rico qui fût le directeur d’Arecibo durant 12 années.

« Je ne vois aucune action efficace pour sauvegarder Arecibo, » rajoute Altschuler, qui appelle l’observatoire « un monument dédié à la curiosité humaine »

« Mais le laisser mourir est une tragédie, » insiste t’il.

Une visite à Arecibo tiens lieu à bien des égards d’un voyage dans le temps. Pas simplement du fait du contraste entre le récepteur à la pointe de la technologie et la jungle sauvage qui l’entoure, ou le fait que les signaux détectés en provenance des confins de l’univers rapportent des événements qui se sont produit il y a 10 milliards d’années, peu de temps après le Big Bang.

Le centre de contrôle avec vue sur le réseau d’antennes, construit dans les années 60, a gardé ses panneaux de contrôle de l’époque caractérisé par des boutons en plastique noirs aussi grands que la main d’un enfant et fortement évocateur de la série télévisée Flash Gordon. Aujourd’hui ces objets rétros sont entourés par de larges alignements d’équipements à la sophistication étonnante et accrochés au plafond, notamment des horloges atomiques qui mesurent les signaux reçus avec une précision du millionième de milliardième de seconde — témoignage des mises à niveau qui pendant des décennies ont fait d’Arecibo un instrument constamment à la pointe de l’astronomie radio.

Le but premier est de détecter les ondes radio émises dans toute la Galaxie et au delà.

C’est dans les années 30 que les scientifiques ont découverts que les particules atomiques tournant sur eux même dans l’espace pouvaient émettre des ondes radio de diverses formes et intensités. Ces ondes — qui, à la différence de la lumière visible et d’autres énergies électromagnétiques, franchissent facilement la poussière cosmique et l’atmosphère de la Terre — permet aux scientifiques de déterminer quel genre de matière et d’énergie nous entoure et comment elles se comportent.

Ce type d’information tire le voile sur la façon dont l’univers a évolué (de manière irrégulière, avec des concentrations d’une densité inimaginable et de vastes étendues bien plus vides que tout vide crée artificiellement sur Terre) ; sa compostion (environ 95% d’énergie sombre et de matière noire, des entités pour lesquelles les scientifiques ne savent pratiquement rien) ; et comment ces entités s’inffluencent t’elle (personne ne comprend ce qu’est réellement la gravité), et également que l’univers est en expansion.

Les ondes radio reçues, par exemple celles émises par une lointaine supernova effondrée ou ou par le rebond cosmique d’un astéroïde prenant appuis gravitationnel autour d’un rendez-vous stellaire fâcheux, se reflètent sur l’énorme parabole d’Arecibo, composée de 39.000 panneaux en aluminium de près d’un mètre de large et 2 mètre de long chacun, pour être ensuite détecté par un réseau d’antennes placées sur une plateforme de 900 tonnes suspendue à plusieurs centaines de mètres au-dessus de la parabole.

À l’aide d’un guidage laser et d’une ajusteur de la tension des câbles, la totalité de l’appareil, de la taille de 26 terrains de football, maintient sa position avec une précision d’un millimètre, en dépit des vents et des changements de température inérants au climat tropical.

"C’est une merveille de technologie" s’enthousiasme Robert B. Kerr, l’actuel directeur de l’observatoire. "ce serait embarrassant de ne plus y avoir accès."

A l’origine de cette rupture des financements, un audit réalisé par des "doyens" (senior review) durant le mois de novembre dernier au NSF. Les 200 millions de dollars de la division astronomie, de plus en plus consacrés à des nouveaux projets ambitieux mais ont longtemps été entravés par les budgets congressionnels en stagnation, aurait dû faire face à un déficit d’au moins 30 millions de dollars d’ici 2010.

"L’ambition de la communauté astronomique pour de nouvelles choses surpassait allègrement la capacité du budget fédéral" déclare Wayne van Citters, le directeur chargé de l’astronomie au NSF, qui a organisé l’audit indépendant. Le résultat fût un classement par rang de priorité qui frappait durement Arecibo mais plaçait également une forte pression sur le réseau à très longue ligne de base (Very Long Baseline Array) basé au Nouveau-Mexique, un ensemble de 10 radiotélescopes, dont le personnel a également été invité à financer la moitié de ses coûts faute de quoi l’installation serait fermée en 2011.

Beaucoup d’astronomes se sont plaints que l’audit n’a pas tenu compte de plusieurs éléments essentiels

Premièrement, Arecibo est un lieu très largement considéré comme le premier centre de recherche au monde pour l’étude de l’atmosphère supérieure et la "météo spatiale". Financé à hauteur d’environ 2 millions de dollars par une entité distincte de la NSF, le centre étudie l’impact des éruptions solaires sur les satellites et les communications par téléphone cellulaire ; estime le changement climatique ; et a développé des méthodes pour dépolluer l’atmosphère après une attaque nucléaire.

Si le budget astronomie pour Arecibo est supprimé, le centre atmosphérique devrait également fermer ses portes.

Le système de radar planétaire — le plus puissant au monde — a également été ignoré, ces dernières années il a permis de réaliser d’importantes découvertes en observant la surface de la lune, le noyau de la planète Mercure ainsi que les forces qui affectent les astéroïdes lorsqu’ils se percutent dans l’espace.

Peut-être que le plus douloureux fût le manque apparent de considération accordé à la mission éducative d’Arecibo, s’interroge José Alonso, chef du centre indépendant des visiteurs. Arecibo tient lieu de camp scientifique pour des professeurs et accueille plus de 100.000 invités chaque année, dont 25.000 écoliers.

"Les sources d’inspiration ne sont pas quelque chose de si simple à mesurer," ajoute Alonso, un éducateur tourné vers l’astronome. Les "enfants courent autour, et cela peut ne pas être évident sur le moment. Mais cinq ans après, certains d’entre eux diront, ’Oh, je me souviens de ce télescope, je veux étudier cela’"

Il n’est d’ailleurs pas le seul à remarquer avec ironie qu’une des missions centrale du NSF est d’attirer des hispaniques et d’autres minorités à la science.

De nombreux astronomes ont également souligné que l’audit a été commandé il y a quelques années sous l’hypothèse que le budget du NSF serait inchangé. En fait, il a augmenté régulièrement et, suite à l’Initiative sur la Compétitivité Américaine du Président Bush, est maintenant en passe d’être doublé. Cela justifie l’intervention des membres du congrès, indiquent les défenseurs d’Arecibo.

"Les exceptions ont souvent mauvaise presse, mais c’est un dossier dans lequel le congrès devrait s’impliquer pour empêcher la mort d’Arecibo," indique Louis D. Friedman, directeur exécutif de la Planetary Society une organisation à but non lucratif dont le siège est à Pasadena en Californie et qui milite pour l’exploration spatiale.

Van Citters, le chef astronome de la fondation, reconnaît que les pressions financières semblent une solution de facilité mais que le coût de la mise hors service d’Arecibo pourrait être bien plus élevé que le coût qui permettrait de le faire fonctionner durant de nombreuses années. Mais il ajoute que l’appel à des coupes budgétaires, y compris la fermeture possible du réseau à très longue ligne de base (Very Long Baseline Array) et d’Arecibo, est une « planification prudente. »

Le Sénateur Peter V. Domenici (Républicain - Nouveau Mexique) fait pression pour sauver le Very Long Baseline Array. Début août, il a envoyé une lettre au directeur de la NSF, Arden Bement, pour décrier les réductions budgétaires. Ils devraient se rencontrer ce mois-ci, selon un porte-parole de Domenici.

En Virginie Occidentale, l’audit a réclamé des coupes budgétaires pour le Green Bank Telescope, mais Jenny Thalheimer, porte-parole du sénateur démocrate de la Virginie Occidentale, a indiqué qu’elle n’anticipe aucun ennuis.

"Par le passé, nous avons mené quelques batailles avec le NSF, mais Byrd est toujours parvenu à obtenir les financements," assure Thalheimer.

Arecibo n’a aucune voix au Capitole. La Représentante Dana Rohrabacher (Républicain - Californie), qui milite pour mieux tracer la trajectoire des astéroïdes géocroiseurs, a sollicité une audition pour mettre l’accent sur les moyens nécessaires à un bon système de prévention de ces risques.

En anticipant suffisamment tôt, les scientifiques disent qu’ils pourraient soit "souffler" l’objet en approche hors de sa trajectoire ou envoyer un engin spatial massif tourner autour de l’objet stellaire, fournissant juste assez de force gravitationnelle pour modifier sa trajectoire.

Si le NSF ne couvre pas le vide budgétaire d’Arecibo, précise Rohrabacher, la NASA le devrait.

"Il y a des choses dans le budget de la NASA qui sont moins justifiables que l’identification et le calcul de la trajectoire des objets venant de l’espace qui pourraient causer des pertes colossales en vie humaine sur notre planète," s’indigne Rohrabacher.

Au volant de sa veille Jeep derrière la parabole géante, le directeur Kerr ne compte pas sur le congrès. Ainsi il continue à faire remuer ses méninges.

Ne riez pas, dit-il, mais récemment il avait pensé à accoler le nom d’une marque ou d’une entreprise à Arecibo.

"Imaginez le mot ’Google’ peint sur cette parabole de 800 ares," Kerr conclus. "Pensez-vous que ça en vaudrait la peine ?"